Selon les estimations basées sur les résultats d’une sélection de bureaux de vote fréquentés par de nombreux juifs français (Sarcelles, Créteil, le 19e arrondissement de Paris), ces derniers auraient massivement soutenu Macron au deuxième tour de l’élection présidentielle, en lui apportant 90 % de leurs voix.
Toutefois, le candidat centriste n’était pas leur premier choix. « Selon nos échantillons, au premier tour, les juifs français ont voté très majoritairement pour François Fillon, à au moins 50 % », explique Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégies d’entreprises de l’IFOP et auteur du livre L’an prochain à Jérusalem ? « Fillon, dont les positions étaient particulièrement fermes sur l’immigration, la sécurité et l’islamisme radical, était également soutenu par les Français de l’étranger qui vivent en Israël. A Jérusalem, par exemple, le candidat de la droite a obtenu 64 % des votes au premier tour, Macron 31 %, et Le Pen moins de 4 % », précise-t-il.
Avant son élection, Emmanuel Macron a fait toute une série de gestes envers les juifs de France, telles sa visite au Mémorial de la Shoah, ses promesses de s’opposer à la campagne du BDS contre Israël et son opposition à toute reconnaissance unilatérale d’un Etat palestinien. Son parti, La République en Marche, a par ailleurs démis deux de ses candidats aux élections législatives de juin en raison de commentaires hostiles à Israël et à la communauté juive : la page Facebook de l’un d’eux contenait des accusations contre l’Etat juif, décrit comme « Etat voyou et raciste », tandis que celle de l’autre appelait à la « séparation du CRIF et de l’Etat ».
Le nouveau gouvernement Macron comprend au moins une ministre juive, Agnès Buzyn, une hématologue très réputée, nommée ministre de la Santé. Son père, Elie Buzyn, chirurgien et rescapé d’Auschwitz, est très actif parmi les « militants de la mémoire » en France. Quant à Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, il est bien connu comme un ami de la communauté juive et d’Israël. Mais d’autres se distinguent nettement de ces positions, telle Marielle de Sarnez, ministre des Affaires européennes, décrite sur des sites communautaires juifs comme carrément « anti-israélienne », et Richard Ferrand, ministre de la Cohésion des territoires, soutien de longue date de la cause palestinienne. Quoi qu’il en soit, avec un président très pro-UE et pro-OTAN, les spécialistes en politique étrangère ne tablent pas sur de grands changements dans la ligne diplomatique française.
Le philosophe Alain Finkielkraut n’a pas non plus exprimé une grande confiance dans le nouveau président, en dépit du fait qu’il a voté pour lui. « Emmanuel Macron ne veut pas reconquérir les territoires perdus de la nation, il veut les séduire. Son élection nous a certes sauvés de la catastrophe Le Pen, j’ai néanmoins peur que les juifs soient au bout du compte les dindons de la farce antifasciste qui s’est jouée sous nos yeux, car il risque de faire de la complaisance et du laxisme en matière migratoire », a-t-il déclaré sur les ondes de RCJ.
On a observé une baisse du vote juif en faveur de Marine Le Pen lors du dernier scrutin présidentiel : environ 10 % de cet électorat a voté pour la candidate frontiste alors qu’elle avait récolté 13,5 % des voix juives en 2012. Un tassement qui s’explique, selon Jérôme Fouquet, par la candidature de François Fillon.
« Lors des débats de la primaire à droite, Fillon a donné une réponse significative à une question sur le sort des djihadistes français qui rentrent de Syrie et d’Irak. Tandis que la plupart des autres candidats proposaient de retirer la nationalité française aux binationaux, ou de créer des centres de déradicalisation, l’ancien Premier ministre a déclaré :
“Si je suis président de la République, je ferai en sorte qu’il y en ait le moins possible qui reviennent.” » Une manière pour lui d’affirmer que la responsabilité d’un chef d’Etat, c’est de détruire les ennemis du pays. Une réponse qui lui a permis de marquer des points auprès de la communauté juive. « Les juifs qui auraient pu voter Marine Le Pen se sont dit : “Voilà un type qui dit à peu près la même chose qu’elle, qui sera très ferme, qui nous protègera et qui sera sans concession, sans pour autant être issu de l’extrême droite.” A cela s’ajoutent les révélations par la presse sur le pedigree de certains proches de Marine Le Pen ainsi que les déclarations de la candidate frontiste niant la responsabilité de l’Etat dans la déportation des juifs de France sous Vichy : tout cela a servi de piqûre de rappel pour la communauté juive qui s’est dit finalement que le FN n’avait pas fondamentalement changé », relate Jérôme Fourquet.
Michel Thooris, un officier de police également président de l’Union des patriotes français juifs, a mené le soutien à Marine Le Pen au sein de la communauté juive lors de la campagne présidentielle. « Les actions de l’UPFJ ont été multiples : rencontres avec des responsables associatifs, politiques et religieux, dialogue avec nos compatriotes de la communauté juive, et travail permanent d’explications et de décryptage du programme présidentiel de Marine Le Pen. Nous avons été une sorte de vitrine officielle des Français juifs qui votent FN et qui l’assument publiquement. Notre action dans le cadre de la dédiabolisation a été essentielle », explique Michel Thooris, avant d’ajouter : « Il est certain que le vote juif en faveur du Front national, même s’il est numériquement faible, a une portée symbolique considérable. » Il regrette enfin que « les relations entre Marine Le Pen et les Français juifs restent entachées par des personnes infréquentables à la fois dans son entourage et au sein du parti »
ByBERNARD EDINGER
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