JTA — Ils parlent des langues différentes et ils vivent dans différents pays. Certains d’entre eux sont strictement pratiquants et d’autres laissent de côté le cachère. Certains sont sépharades, d’autres ashkénazes.
Aussi diverses que les communautés juives auxquelles ils appartiennent, les Juifs qui font la promotion des partis nationalistes qui connaissent actuellement un regain croissant de popularité sont néanmoins réunis dans leur peur de l’islam radical, dans leur soutien à Israël et dans leur volonté à soutenir des politiciens honnis et considérés comme racistes par la majorité.
Dans un contexte d’avancée historique des partis désireux de quitter l’Union européenne et en amont d’un vote présidentiel décisif en France, JTA s’est entretenu avec quatre Juifs éminents dont les partis sont largement considérés comme appartenant à l’extrême-droite en France, au Royaume-Uni, en Autriche et en Suède. Un candidat juif néerlandais a pour sa part décliné notre demande d’interview.
Dans le sens des aiguilles d’une montre, à partir de la gauche : Shneur Odze, à gauche et le membre du Parlement de l’UKIP Jonathan Arnot (Autorisation), David Lasar (Autorisation du Parti de la Liberté) ; Gidi Markuszower (Crédit : Robin van Lonkhuijsen), Kent Ekeroth (Autorisation des démocrates de Suède ), Michel Thooris (Autorisation du Front National), toutes les photos via JTA.
FRANCE
Michel Thooris, 36 ans
Profession: Agent de police
Implication politique : Membre du bureau central du parti du Front National
Quelques mois après le meurtre d’Ilan Halimi en 2006, Michel Thooris a rejoint le parti dont la dirigeante actuelle, Marine Le Pen, est en tête des sondages alors que le scrutin présidentiel approche à grands pas.
Pour Thooris, le meurtre d’Ilan Halimi, vendeur en téléphonie qui avait été enlevé contre une rançon parce que Juif, a lancé le coup d’envoi d’une vague « d’attaques islamistes qui forment la menace numéro un pour les Juifs en France », a-t-il expliqué. Thooris ajoute qu’il a été indigné par l’incapacité des principaux médias à noter les affiliations islamistes des membres du gang, qui ont assassiné Halimi après l’avoir torturé pendant des semaines.
Dans un contexte d’explosion des violences antisémites depuis l’an 2000 et suite à des journées d’émeutes dans les banlieues à forte majorité musulmane aux environs de Paris et au-delà en 2005, Thooris a été attiré par la promesse faite par le Front National de « mettre un terme à l’anarchie et au fondamentalisme islamiste », comme il le décrit.
Il est aujourd’hui à la tête de l’Association des Patriotes français Juifs, un petit groupe de Juifs français partisans du Front National.
« Trahir les Juifs français, ce n’est pas voter Front National mais c’est continuer à voter pour des candidats dont l’inaction menace la survie même de la communauté », explique Thooris, Juif sépharade qui ne se rend à la synagogue qu’à l’occasion de certaines fêtes et qui ne respecte pas la casheroute.
« Après l’élection de Donald Trump, après le vote au Royaume-Uni de quitter l’Union européenne, de plus en plus de Juifs français se disent : Pourquoi pas nous ? », déclare Thooris.
Le Front National s’oppose à toute concession faite aux sensibilités religieuses ou aux besoins des Musulmans. Son fondateur, Jean-Marie Le Pen, condamné à plusieurs reprises pour révisionnisme et incitations antisémites, a été expulsé du parti par sa fille Marine, qui lui a succédé à la présidence du mouvement en 2011.
« Ses déclarations sont déplorables et inacceptables », estime Thooris.
Thooris a été recruté au Front National par Louis Aliot, conjoint de Marine Le Pen. Aliot, qui a lui-même des racines juives, voulait élargir son électorat tout en faisant prendre au parti ses distances avec les provocations de son fondateur.
Dans un pays où les Juifs « risquent de se faire tirer dessus dans les supermarchés cacher ou dans leurs écoles, Marine est la meilleure candidate pour nous protéger », ajoute Thooris, dont les manières douces et l’attention portée à la nuance diffèrent grandement du style plus qu’abrupt de la candidate à la présidentielle.
Mais cette protection pourrait avoir un prix à payer pour certains Juifs, reconnaît Thooris.
« Nous n’idolâtrons pas Marine, pas plus que nous ne souscrivons à tous les éléments soumis par sa plate-forme », dit-il.
L’un des points de discorde est la neutralité adoptée par le Front National sur Jérusalem. Un autre est l’appel de Marine Le Pen à cesser de porter la kippa en public – un dégât collatéral de l’interdiction programmée de tous les symboles religieux en public qui, concède-t-elle, a pour objectif de limiter les expressions de la foi musulmane.
« En réalité, les Juifs n’ont déjà plus le droit de porter la kippa en public dans de nombreux endroits par crainte des agressions », dit Thooris. Même si une interdiction devait se matérialiser, « les Juifs peuvent toujours porter un chapeau », ajoute-t-il.
Selon un sondage réalisé en 2014, 13,5 % des personnes interrogées de confession juive indiquaient qu’ils pourraient voter pour Marine le Pen. Le soutien pour son père parmi les Juifs était quasiment inexistant.
« Soutenir le Front National n’est plus un tabou parmi les Juifs français », dit Thooris.
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